Quelle femme n’a jamais été confrontée à ce deal malsain du dragueur, ami ou bienfaiteur qui, pour un verre offert ou un service rendu réclame une partie de jambes en l’air ? Fille d’Ève, tu es bénie entre tous les vagins !
La culture de la recevabilité
Être redevable en soi, n’est pas un problème. La gratitude, si on veut, fait partie de la culture humaine. On nous apprend à dire merci, à proclamer le bien que les autres nous font. À rendre la bienveillance par la bienveillance. Et, dans les cas où il nous est impossible de rendre à autrui son bienfait, qu’on fasse ce bien à une autre personne. Ainsi, le ciel ou l’univers saura nous le rendre en temps opportun. Mais alors, quelle doit être la nature de notre gratitude ? Comment une femme doit-elle dire merci ? Ou plutôt, avec quoi ? Dans la conscience populaire, l’idée que la femme devrait remercier avec son corps et particulièrement son sexe, est profondément encrée dans nos habitudes qu’une pensée contraire relève du miracle ou de la bravoure. On pense, on croire fortement que, rendre service ou offrir quelque chose à une femme nous rend apte à baisser sa culotte. Le sexe de la femme est la première expression de sa gratitude. On n’a pas besoin qu’elle dise merci avec sa bouche. Ah ! Si c’est pour une pipe, pourquoi pas hein !
C’est quoi en fait la dette sexuelle ?
La « dette sexuelle » : c’est ce désagréable sentiment d’être « redevable sexuellement » envers quelqu’un, d’être obligé.e d’avoir un rapport sexuel parce qu’on a accepté un cadeau ou un service, ou simplement parce que l’on croit que c’est ce qui est attendu de nous.
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Abidjan, on entend très souvent « elle a mangé mon poulet, je vais enlever dans elle » – « si elle ne voulait pas coucher, pourquoi elle est venue au rendez-vous ? » – « tu ne veux pas et puis tu acceptes son invitation ! » – « on va se reposer maintenant bébé ».
À côté de ces propos de messieurs les tous puissants hommes, ceux qui ont le sexe de Dieu, il y a des croyances féminines conditionnées qui contribuent à entretenir cette habitude. Chez les femmes on entendra : « Il est gentil avec moi » – « ça fait 2 ans qu’il me fait la cour » – « y a des choses qu’on n’a pas besoin de dire » – « c’est le seul homme qui m’écoute sans me juger ».
Bref ! Le sexe est soit une monnaie d’échange ou une récompense. Toujours est-il que, dans ces circonstances il n’y a pas de consentement. Puisque la femme en face n’a aucune envie d’avoir des rapports sexuels. Elle cède par contrainte.
Des membres d’une famille aux collègues de travail en passant par des amis ou amants, on a toutes au moins une fois vécu ce malaise.
Un ami de très longue date m’a dit une fois, alors que je l’avais sollicité pour qu’il m’héberge une nuit : « tu sais, je ne peux pas dormir avec une femme sans la mougou* ». Une autre connaissance qui avait accepté de me laisser dormir chez lui* par mesure de sécurité n’a même pas jugé utile de me proposer de coucher. Le type a ouvert son tiroir, à sorti un préservatif qu’il a enfilé avant de se mettre à me caresser. Quand j’ai chercher à savoir pourquoi il faisait ça, c’est un visage surpris qui m’a répondu que je ne suis pas une enfant. Il y a eu aussi cet amant (petit-ami je ne sais pas trop). Un soir que je comptais passer une soirée en amoureux sans sexe, monsieur n’a pas supporté qu’après une pizza, son carburant utilisé pour venir me chercher et son toit sur ma tête – je n’ouvre pas les jambes ? Sa question : « mais tu es venue faire quoi ici alors ? » Réponse : Je veux juste rester avec toi…
Comment on se sent après ?
Je sais comment on se sent quand on noues réclame la dette sexuelle. Mais comment on se sent quand on a cédé ? Encore heureuse de n’avoir pas été jusque là.
J’ai toujours eu la force d’opposer un non catégorique ou de négocier un report pour enfin me dérober de justesse. Parfois, j’ai dû compter sur mon petit corps pour me débattre. Ma phrase qui stoppe « attends, tu vas me violer ? » Ça ne marche pas tout le temps. Mais disons que, dans certains cas, les adeptes de la dette sexuelle aiment bien se donner bonne conscience en se disant que la femme a donné volontiers et qu’eux n’ont pas pris de force. Je me dis que c’est certainement pour cette raison que mon « tu vas me violer ? » a réussi à les refroidir.
Pour en venir à comment je me suis sentie ? Je me sentais comme un animal pris au piège. Comme si on m’avait prise pour une conne. Le choc ! J’aurais préféré qu’on me demande de payer pour dormir, comme dans une chambre de pass. J’aurais compris qu’on me demande de l’argent en échange d’un service – c’est ce qui est juste.
Bref ! Le plus drôle c’est que ces amateurs de dette sexuelle sont les premiers à condamner les travailleuses du sexe.
Quelle attitude avoir face aux créanciers* ?
La première chose à intégrer c’est que RIEN NE NOUES OBLIGE À AVOIR DES RAPPORTS SEXUELS.
Un merci suffit pour un service rendu. Sinon, qu’on noues remette la facture et on remboursera le moment venu.
Ensuite, il faut bien clarifier les choses avant d’accepter une invitation. Ça évite d’entendre des choses inintelligentes et au moins on ne gaspille pas son énergie. « c’est la personne qui invite qui paye ou on partage la facture » – « si c’est pour aller te reposer après, ce n’est pas la peine. Je préfère rester chez moi » – « NON. J’ai accepté de prendre un verre avec toi, je n’ai pas signé pour coucher. Merci pour le verre. »
Enfin, on ne le dira jamais assez ! « Z’yeux connaît bagage qui est lourd » – (chacun.e connaît ses limites). En principe, les adeptes de dette sexuelle savent à qui se frotter. Ils aiment bien attirer dans leur piège les femmes vulnérables (ou celles qu’ils considèrent ainsi). Cherchons l’argent, ne soyons pas limitées et il faut savoir s’appuyer sur nos amies.
En tout cas, je n’ai pas encore eu d’amies qui ont cherché à baisser ma culotte pour un service rendu – et elles ne sont pas toutes hétéros.
Ps : un peu de musculation ça peut aider. S’ils savent qu’on peut leur casser la gueule, ils réfléchiront.