La fistule, la première fois que j’ai entendu ce terme, c’était il y’a un ou deux ans. En début de semaine dernière, c’est le témoignage d’une femme, ivoirienne, atteinte de fistule obstétricale qui m’a donné envie d’en savoir plus sur cette maladie. Certes répandue mais peu connue, la fistule obstétricale est au centre des efforts en faveur de la santé féminine en Afrique subsaharienne.
Quoi ?
Les spécialistes en médecine obstétricale parlent de lésion due à un accouchement négligé. En générale, cette lésion survient quand le travail de la future mère est prolongé et difficile.
Plus simplement, la fistule est une brèche (un trou) qui se forme soit entre la vessie et le vagin (on parle de fistule vésico-vaginale), soit entre la vessie et le rectum (on dira plutôt fistule vésico-rectale) de la femme.
A long terme, la fistule obstétricale peut entrainer des infections cutanées, des troubles rénaux et la mort si le sujet n’est pas traité.
Comment ?
Un travail compliqué qui dure entre six (06) et sept (07) jours cause la compression des tissus mous du bassin de la mère. Ces tissus coincés entre la tête du bébé et l’os pelvien de la mère empêchent l’écoulement de sang qui entraine la fistule (trou).
Les femmes atteintes de fistule obstétricale ont constamment des fuites d’urine et/ou de matières fécales.
On parle d’incontinence chronique. Ce qui se traduit par une incapacité de contrôler l’écoulement de l’urine ou de matière fécale (elles peuvent faire ça sur elles).
Je vous laisse imaginer l’embarras que ça peut créer. Les odeurs, la honte et très souvent le rejet que cette maladie engendre.
Les malades, si elles ne sont pas regardées comme des victimes de sorcellerie sont tout bonnement accusées de sorcières et bannies de la communauté.
Pourquoi ?
Notre « pourquoi » est à deux niveaux.
D’une part, cherchons à savoir pourquoi la fistule survient-elle ? Autre les causes directes citées plus haut, il faut savoir que plusieurs facteurs sociaux favorisent la maladie. Entre autres il y’a la pauvreté, la malnutrition, l’accès limité aux soins médicaux adéquats, les grossesses précoces. L’OMS soutient également que la discrimination basée sur le genre est l’une des causes de la fistule obstétricale.
D’autre part, pourquoi sommes- nous si peu informés au sujet de ce fléau ?
C’est connu, dans les zones rurales, bon nombre de femmes n’ont pas accès à l’éducation ce qui fait qu’elles n’ont pas d’informations concernant ces complications obstétricales. Pour l’autre frange de la population qui est instruite et pas suffisamment informée, je dirais que c’est par négligence peut-être.
Et comme le dit le Seigneur « la foi vient de ce qu’on entend ». Il ne faut pas parler de fistule seulement dans las centres de santé spécialisés ou aux femmes enceintes, encore moins aux malades seulement. Nous sommes toutes concernées par ce combat.
De plus, il faut le dire, tout ce qui concerne le dessous de la culotte est encore tabou chez nous. Il est temps que cela change.
Combien ?
Les chiffres officiels déclarent que, plus de deux millions (2.000.000) de femmes en Asie et en Afrique subsaharienne vivent avec la fistule obstétricale non traitée. Deux tiers (2/3) d’entre elle, soit environ 67% sont en Afrique subsaharienne, soit 1.340.000 femmes.
Chaque année, ce sont entre 50.000 et 100.000 femmes qui sont touchées par le fléau.
Où ?
L’Afrique subsaharienne, zone la plus touchée par la fistule obstétricale est toute la partie du continent qui se trouve au sud du désert du Sahara. Composées de 48 pays, cette partie du continent est la plus pauvre, la plus instable politiquement et économiquement, en plus d’être le nid de pas mal de maladies (pandémies, épidémies, fléaux, etc.).
La fistule obstétricale touche donc tous les pays d’Afrique de l’Ouest, d’Afrique de l’Est, d’Afrique centrale et d’Afrique australe en plus des régions pauvres d’Asie du sud.
Bien entendue, la fistule obstétricale a touché les pays d’Amérique et d’Europe à une certaine époque. Mais avec l’avancée de la médecine dans ces pays développés, cette maladie est un lointain souvenir enfoui dans le passé.
Traitement
Ce n’est une fatalité d’être atteinte de fistule obstétricale car il existe un traitement qui permet de vaincre la maladie, de se reprendre en main et retrouver sa dignité.
Si la patiente est dépistée tôt, elle peut éviter la chirurgie grâce à une méthode qui consiste à la pose d’un cathéter dans sa vessie. Ce qui réduit la pression sur les tissus pour refermer spontanément les fistules.
Mais si la fistule est vue tardivement ou en cas d’échec de la première méthode, la patiente est soumise à une chirurgie réparatrice de la zone touchée.
La complexité du mal va de pair avec la complexité du traitement qui, selon les spécialistes est aléatoire. Il peut y avoir des complications allant de l’infection à la réouverture de la fistule. Parfois, des patientes meurent au cours de l’opération : 0,5% à 1% de décès sur notre continent contre 90% de guérisons.
Un suivi strict reste donc de mise.
Prévention
Avec tout ce qui est dit plus haut, il apparait évident que la fistule obstétricale peut être évitée. Et voici comment :
- Repousser l’âge de la première grossesse (éviter les grossesses précoces) ;
- Favoriser l’accès rapide aux soins obstétricaux de qualité ;
- Abandonner les pratiques traditionnelles dangereuses pour la santé maternelle ;
- Divulguer/ s’informer sur la santé sexuelle, maternelle et reproductive.
La lutte
De nombreuses organisations telles que les Nations Unies et la fondation Fatima prennent à bras le corps le problème. Des campagnes de sensibilisation, des programmes de réinsertions d’ex-patientes, la distribution de fournitures médicales, la formation et la mise à disposition de fonds à l’effet de renforcer les services de santé maternelle et obstétricaux, sont entre autres les actions menées pour éradiquer la fistule de notre continent.
Aussi, depuis le 05 mars 2013, le 23 mai a été proclamé Journée Internationale pour l’élimination de la fistule obstétricale.
Bien entendu, il existe plusieurs types de fistules : artério-veineuse, pancréatique, labyrinthique.
Pour finir, retenons que les femmes qui guérissent de la fistule obstétricale peuvent avoir une vie épanouie avec activité professionnelle, mari et enfants. Même si elles sont dans certaines régions victimes de stigmatisation, elles peuvent se reprendre en main en toute responsabilité.
Mesdames, pas de « je suis courageuse », la prochaine grossesse doit être suivie et l’accouchement par césarienne est recommandé.
Miss T.
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