Contribution de Orphelie Talmas
pour Speak Up Africa
Briser le tabou des menstrues en Côte d’Ivoire « La précarité Menstruelle est un sujet qui me tient à cœur également. Un minou qui n’est pas dans les bonnes conditions d’hygiène ne peut pas jouir. » Emilie Tapé, activiste et blogueuse féministe.
La journée de l’hygiène menstruelle a connu une résonnance particulière cette année 2022 en Côte d’Ivoire. Elle a permis de mettre le doigt sur des attentes spécifiques de la part des activistes pour les droits des femmes. Autour d’une campagne de sensibilisation et de collecte organisée par l’Organisation pour la Santé de l’Enfant et de la Femme (OSEFF), un plaidoyer a été fait. L’OSEFF fait partie des initiatives bénéficiaires de l’initiative Voix EssentiELLES menée par la Fondation Speak Up Africa. Voix EssentiELLES vise à soutenir les femmes et les jeunes filles, en favorisant leur engagement significatif dans les processus de prise de décision qui influent sur les politiques et les programmes de santé. Ainsi sur la question de l’hygiène menstruelle, les attentes de Khady Cissé, Présidente de l’OSEFF sont claires : La gratuité des serviettes hygiéniques dans les établissements médicaux et scolaires, la suppression des taxes sur les antispasmodiques et les serviettes, des toilettes fonctionnelles dans les écoles.
Un cadre précaire, frein à l’épanouissement menstruel
En Côte d’Ivoire, de nombreuses zones font face à une pénurie d’eau potable, à l’absence de toilettes convenables, avec un revenu limité des familles. Ces réalités exposent les femmes à la précarité menstruelle. Elles useront de pagnes usagés ou garderont toute la journée la serviette hygiénique, prenant le risque de développer des infections génitales. La précarité menstruelle est aussi à la base de l’absentéisme scolaire de certaines filles qui durant leurs règles. Comment se changer en privé s’il n’y pas de latrines ? Comment se concentrer en classe quand on n’a pas les moyens d’acheter les antispasmodiques ? Comment être sereine quand on craint de se tâcher parce que le pagne n’est pas assez absorbant et confortable ? Au-delà des aspects pratiques, les menstrues représentent également un sujet tabou pour lequel les filles ne sont pas assez informées de sorte à les vivre sainement. C’est un moment tabou dont on a honte.
Le tabou autour des menstrues
Les menstrues servent un marché lucratif de cotons hygiéniques. Une femme en Côte d’Ivoire dépensera par mois, entre 500 et 5000 Francs CFA durant sa période menstruelle. Les publicités télévisées, les campagnes d’affichages font la promotion d’une diversité de marques. On parle donc des règles dans l’espace public, sans trop de complexe, pour vendre. Mais on en parle peu en privé pour le bien être et la santé de la concernée. Le tabou est hypocrite.
Tu peux tomber enceinte maintenant.
En privé, alors que la fille découvre ses menstrues pour la première fois, le conseil de l’adulte, mère, grande sœur, ou tante, sera systématiquement lié à la reproduction, à la possibilité de tomber enceinte. Ce sont des avertissements sommaires mais fermes vis-à-vis des hommes.
Mais et l’hygiène alors ?
Nous avons questionné un panel de femmes sur les réseaux sociaux. Sur 80 réponses, seulement 6 affirment avoir reçu des conseils liés à l’hygiène. « On m’a tendu la protection. On m’a demandé si je savais l’utiliser. J’ai répondu oui – ce qui était faux – et c’est tout. Zéro conseil. » Myriam Amani.
On a tendance à penser que les menstrues sont un acquis, une routine banale. Mais cette période représente une épreuve pour de nombreuses femmes à faibles revenus, dans des zones sans toilettes, dans des espaces publics (écoles, bureaux, hôpitaux) sans équipements pour répondre aux besoins de se protéger ou de soulager les douleurs liées aux règles. Cette période si elle n’advient pas dans des conditions confortables avec à dispositions les ressources nécessaires peuvent impacter la dignité de la femme. « Les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. » Si ce principe est un droit universel consacrant la sacralité de la Dignité humaine, l’hygiène menstruelle, la précarité menstruelle, attraient directement au respect de ce droit fondamental. Or le manque d’information sur les règles (66% des filles dans le monde ne disposent pas d’informations sur leur règle) cause les stéréotypes, la stigmatisation et le rejet de la femme durant ses menstrues et engendre des atteintes au droit à l’éducation, à la santé et exposent les filles aux mariages forcés.
En synergie avec OSEFF , Actuelles , Mouvement Femmes & Paroles et le SMED- CI (Soutien aux Mères et Enfants en Détresse de Côte d’Ivoire), les activistes se sont mobilisés durant plusieurs jours de mai à juin 2022, avec des conférences, une campagne de sensibilisation et une collecte de protections hygiéniques. Sylvia Apata, engagée dans cette dynamique en tant que Secrétaire exécutive de l’organisation des Citoyennes pour la Promotion et la Défense des Droits des Enfants, Femmes et Minorités (CPDEFM) s’est exprimée sur le sujet et les attentes : « Si ce principe de liberté et d’égalité des droits humains est un droit universel consacrant la sacralité de la Dignité humaine, l’hygiène menstruelle, la précarité menstruelle, attraient directement au respect de ce droit fondamental.
Or le manque d’information sur les règles (66% des filles dans le monde ne disposent pas d’informations sur leur règle) cause les stéréotypes, la stigmatisation et le rejet de la femme durant ses menstrues et engendre des atteintes au droit à l’éducation, à la santé et exposent les filles aux mariages forcés. Parce que les règles sont un phénomène biologique qui caractérise la gente féminine, nous revendiquons :
1- La déconstruction des stéréotypes et préjugés sur les règles par l’information ;
2- La suppression des taxes sur les serviettes hygiéniques ;
3- La mise à disposition d’antiplasmodium aux femmes souffrant de règles douloureuses ;
4- L’instauration de guichets de distribution gratuite de serviettes hygiéniques dans les établissements scolaires ;
5- La mise en place d’un cadre institutionnel de gestion de l’hygiène menstruelle en Côte d’Ivoire. »
Il est important de continuer à diffuser le message sur la précarité menstruelle. Au Sénégal par exemple, en 2021, la Fondation Speak Up Africa lançait la campagne « Gestion de l’hygiène menstruelle : du tabou au pouvoir économique ». Son objectif : Aider les femmes et les filles sénégalaises à briser le silence qui entoure les menstruations, à sensibiliser au rôle de la gestion de l’hygiène menstruelle en tant que priorité de santé publique et à susciter un soutien politique sur la question, tout en aidant les filles et les femmes à atteindre leur plein potentiel.
« En tant que femmes, nous reconnaissons l’impact positif qu’une gestion correcte de l’hygiène menstruelle peut avoir sur la santé et les moyens de subsistance des jeunes filles et des femmes. » Yacine Djibo, fondatrice et directrice exécutive de Speak Up