Ma vie de minou

Quand le tout puissant phallus redoute l’émancipation sexuelle de dame Clitoris…

En réfléchissant au « viol correctif », je me suis posée la question suivante : pourquoi croit-on pouvoir corriger une femme avec un pénis ? Le sexe, en fonction de la personne qui le porte, devient soit, contenant de plaisir (le vagin), soit arme de torture, instrument de coercition (le pénis). Pourtant, dans l’autre sens, quand un homme est violé par une femme, ce n’est pas perçu comme une correction.

Avant d’en arriver au viol dit correctif

Quand je remonte dans mes souvenirs d’enfance, on a toujours utilisé le rapport sexuel et la grossesse comme la correction des filles qui ne sont pas sages. A 5 ans, quand je retroussais ma jupe pour montrer mes belles petites jambes, les voisines de ma mères ne manquaient pas de me lancer : « Toi-là, on va vite d’enceinter hein ! ». Sinon, c’est directement à ma mère qu’elles disaient « Ta fille-là, elle va vite commencer à chercher garçon ».

« Chercher garçon », dans le langage ivoirien, renvoie à l’activité sexuelle. Quand une fille est sexuellement active, on dit d’elle « elle cherche garçons » ou elle « connaît garçons ». Par extension, l’expression fait également référence à la notion de frivole.

 Imaginer un vagin heureux sans pénis ? Nenni!

Plus tard, quand je suis devenue adolescente, ça n’en finissait pas. A 13 ans, ma sœur m’avait mis du maquillage. Heureuse, je flânais dans le quartier pour faire voir à tout le monde mon visage maquillé. Je me trouvais belle et adulte. Là, une amie de mon frère m’a dit avec un ton menaçant : « Toi-là ! Tu as grandi maintenant, ils vont vite t’enceinter oh ! ». J’en avais un marre d’entendre ces menaces. Je voulais des compliments sur mon maquillage, ma beauté, pas qu’on vienne me saper le moral.

Ensuite, il y a eu pas mal de commentaires que j’entendais çà et là, à propos des filles, des femmes qui « restent tranquilles » après des rapports sexuels ou une grossesse. Sans oublier des hommes qui ne pensent qu’à « remporter le match », « montrer couler à la partenaire » ou encore « lui montrer qui est le mec dans l’histoire ». Bref ! Un amant m’a dit une fois, alors que je lui disais ce que je voudrais pour notre plan cul : « Tu veux dire quoi, tu vas me battre ? » – comme s’il s’agissait d’un bras de fer ou d’un sport de combat au d’une partie de plaisir consenti.

L’année dernière, je faisais remarquer sur mon compte facebook, qu’un pénis, aussi long qu’il puisse être, il ne peut atteindre l’utérus. Ma publication faisait suite à un commentaire d’une personne qui craignait de toucher le fœtus dans l’utérus de sa partenaire enceinte – s’il lui faisait l’amour, pendant la grossesse. Et là, bam ! Un monsieur, avec tout le sérieux de la terre : « C’est parce que tu n’es pas encore tombée sur un vrai garçon que tu dis ça ! ». Eh ben ! Fallait le faire. Quel plaisir pense-t-il tirer ? Enfoncer un pénis jusqu’à l’utérus, c’est d’une violence extrême rien que l’idée même.

C’est là l’origine de la forte consommation de viagra et autres substances assimilées. Et quand on veut être endurant, c’est plus pour faire durer la souffrance de la partenaire que pour faire durer le plaisir. On croirait que le corps de la femme est bol de plaisir qu’il faut vider de son contenu sans lui en donner.

A propos du viol correctif et du viol conjugal

Dans certaines cultures, la famille de la nouvelle épouse remettait symboliquement un fouet à son gendre pour qu’il batte sa femme, s’il le jugeait nécessaire. En pensant à cette tradition, je me dis, et si l’homme que l’homme dispose de deux fouets. Le fouet normal et son pénis.

          Corriger qui, moi Clitos ? Faut bouai*!

Puisqu’on a planté le décor, commençons par le viol conjugal. Certains hommes ne battent pas leurs femmes « rebelles » à coups de poings ou de fouets. Ils se servent de leurs membres virils pour enfoncer la souffrance encore plus profonde. Pour laver un affront ou montrer à l’épouse qui aurait oublié son statut de « soumise », qui commande. Prendre une épouse sans son accord, avoir conscience que son vagin s’est contracté et refuse de lubrifier, forcer l’entrée du minou et y pénétrer avec fracas, voilà ce qu’est « un vrai gars », « un homme qui sait se faire respecter ». Hélas ! Nombreux sont ceux qui pensent ainsi. Mater la femme rebelle à coup de verge pour faire respecter son autorité. Et quand on punit sans contraceptif, grossesse non-désirée, et désamour de l’enfant qui naîtra de cette union punitive.

Pour ce qui est du viol correctif, commençons par la définition conventionnelle de la pratique. Le « viol correctif » consiste à violer des lesbiennes (et par extension toute personne LGBTQ+), dans le but de leur faire changer leur orientation sexuelle. Là encore, on se sert d’une bite, pour prétendre rappeler à l’ordre une femme qui est naturellement est sexuellement attirée par une femme. Pour les gardiens de ce système hétéronormé, une femme qui en aime une autre est perçue comme le pire des outrages. D’autant plus que, pour le patriarcat, le corps de la femme, son sexe et tout ce qui lui appartient est la propriété de monsieur l’homme. Aimer une femme, c’est donc tenir tête au système. On viol la femme pour la « corriger » et la « remettre dans les rangs ».

Et si ce qu’on redoute, c’est le plaisir féminin ?

    Oui à l’autonomisation sexuelle de la femme.

Je ne sais pas si c’est depuis la nuit des temps, mais une chose est sûre, le patriarcat (il y a longtemps, très longtemps), a décidé de « contrôler la sexualité féminine ». Pour ce faire, il a dressé des barreaux de bites tout autour des douces foufounes. Je ne parlerai pas ici, des mutilations sexuelles féminines, de la ceinture de chasteté et des autres mécanismes mis en œuvre ôter à la femme son plaisir sexuelle.

La sexualité de la femme et le plaisir féminin ont tout simplement été cantonnés dans le rôle reproducteur. La femme ne devait pas chercher le plaisir sexuel. Son vagin n’était que la porte d’entrée de la graine de l’homme en vue de la fécondation. Résultat attendu : perpétuer la race humaine, la lignée et le clan. Et pourtant…

On a d’abord commencé par nier à la femme sa soif de plaisir (sexuel). En faisant croire que son sexe ne servait qu’à la reproduction. Ensuite on nous a fait croire que notre plaisir ne tenait qu’au plaisir du phallus. Quand l’homme jouit, il jouit pour lui et sa partenaire. La femme est là pour procurer du plaisir à son amant, et si lui est content, fin de la partie. Pour finir, la dernière carte du patriarcat est de tenter, tant bien que mal, de nous faire avaler sa dernière théorie : le plaisir (sexuel) féminin n’existerait que s’il y a pénétration vaginal par un pénis.

Seulement voilà ! Toutes ces théories ne tiennent tout simplement pas. Pour preuves :

  1. La femme peut se procurer du plaisir en solo

Des femmes se masturbent et ont des orgasmes. Mieux, la plupart des orgasmes féminins arrivent par la masturbation de la femme elle-même. On pourra me dire « ouais, mais quand elle se masturbe, elle met soit son doigt, un gode ou un légume dans sa chatte non ! ». Je réponds en ricanant : « ah ! Déjà doigt et pénis, ce n’est pas pareil ». En plus, il y a bien plus de plaisir par la masturbation par frottis. Le gland du clitoris, les grandes et petites lèvres, le vestibule, tout l’organe sexuelle de la femme est un « riche réseau de tissus érectiles » (Gérard Leleu – L’art du cunnilingus). Et qui dit tissus érectiles dit soif de plaisir (sexuel) et aptitude à donner du plaisir au corps qui les porte.

  1. Le plaisir sexuel féminin existe bel et bien

Si la femme peut se donner du plaisir en solo, on ne peut donc pas – objectivement, nier l’existence du plaisir (sexuel) féminin. Et ne dépend pas uniquement d’une présence masculine. De plus, les femmes revendiquent de plus en plus leur envie d’avoir du plaisir (sexuel) ou d’être bien prise. Elles refusent dorénavant de simuler. Elles affirment et assument leur droit à l’orgasme quand elles baisent. Elles expriment leur envie et leur soif de plaisir (sexuel). Elles en veulent, encore et encore. C’est un DROIT !

  1. L’orgasme entre nanas, une pilule difficile à avaler

Si les adeptes de la suprématie du phallus, les relations sexuelles entre femmes sonnent le glas du règne du pénis au royaume du plaisir. Si le plaisir féminin existe, que la femme peut se le procurer en solo, et que, de surcroit, elle peut en avoir chez une autre femme, que deviendrait le tout puissant phallus ? Où le mâle pourrait-il foutre son gland, s’il ne peut fourrer un vagin ?

      Pour faire passer la pilule, buvez de l’eau.

Le vrai point

Le véritable enjeu ici, c’est « l’émancipation sexuelle » de la femme d’une part. Et ce qu’implique cette terminologie. S’émanciper, c’est simplement le fait pour une personne, de s’affranchir de sa dépendance à une personne, à un système ou à une chose. C’est prendre conscience de sa capacité à trouver en soi-même, les ressources de son épanouissement et sa satisfaction personnelle. C’est porter la responsabilité de notre plaisir sexuel (c’est de cela qu’il s’agit ici). Peut-être qu’on ne peut pas vivre seule, parce que nous sommes dans un monde régit de la sorte, mais on peut et on doit pouvoir vivre pour soi d’abord.

On a le droit, en tant que femme de chercher notre plaisir (sexuel) d’abord. Nous sommes libres de décider de comment et avec qui prendre notre pied. Et tant pis, si notre émancipation donne l’impression à certains mâles qu’ils sont inutiles. Perdre un privilège donne cette impression. C’est normal et ça finira par passer.

Par dessus tout, l’émancipation, c’est de choisir d’associer, de partager ou d’explorer son plaisir (sexuel) avec ou sans bite.

                                                         AMEN!!!

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